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Parce qu'une vie ça se change, et un corps aussi.

Le démon alimentaire

Le démon alimentaire

Dans ma maladie, la boulimie occupe une place prépondérante. Jusque là, plus de secret. Comme chez beaucoup de gens, elle est enracinée dans ma plus tendre enfance, suite aux traumatismes de mon vécu (que je ne détaillerai pas ici, ce serait bien trop long et bien trop peu nuancé), mon éducation toussa toussa. Je n’ai pas souvenance d’un jour où je n’ai pas été boulimique. Enfant, je mangeais énormément, je me jetais sur tout ce que j’aimais. Les comportements alimentaires en cachette se sont également développés très précocement. Je ne serais pas capable de donner un âge, mais j’ai le souvenir notamment de m’être enfilée un camembert entier en cachette alors que je n’étais pas plus haute que trois pommes. Quand je dis ça à l’heure actuelle, cela semble dérisoire, un camembert, mais je ne peux m’empêcher de croire que ce genre d’attitude n’était que la prémisse de la suite. En effet, cela s’est poursuivi au cours du temps. Je mangeais tout le temps en cachette dans le frigo, je mangeais des quantités astronomiques à la garderie où j’ai été après l’école jusqu’à l’âge de 12 ans. Je n’arrêtais pas, et je n’étais certainement pas capable de manger une quantité raisonnable d’un aliment que j’appréciais. Il fallait plus, toujours plus. Outre cela, mes parents avaient le syndrome de l’assiette vide ; il fallait systématiquement tout manger, qu’on ait faim ou non (« après tout, on a payé pour »). Les évènements au cours de ma jeunesse ont également contribué à mon « envie » de nourriture et sans m’en rendre compte, j’anesthésiais en mangeant tous les sentiments et les pensées qu’on ne me permettait pas d’exprimer. Je devais être celle que mes parents voulaient et le moindre pas de travers était une faute impardonnable, rappelée encore des années après. Je mangeais donc pour oublier, comme exutoire.

Cela s’est poursuivi avec le temps. En commençant l’Université, je mangeais tout ce que je voulais. Je ne faisais pas forcément des crises alimentaires mais je ne me privais de rien. Et quand je faisais des crises, cela était plus par temps de stress particulier comme pendant les examens. Il n’empêchait que je mangeais trop et que je demeurais incapable de profiter de quelque chose dans la modération. Et puis j’ai maigri. Radicalement. En peu de temps. Sans vraiment me rendre compte de ce qui se passait. Et aussi bien que ce soit (parce que j’étais devenue obèse avec mes 106 kg au plus haut, en juin 2012), j’ai rajouté une composante corporelle à mon mal. Jusque là, ma boulimie était en effet psychique uniquement ; forcément, mon corps recevait largement tous les nutriments dont il avait besoin, et bien plus. Il était bien tranquille dans sa situation. Malsain, mais tranquille. Et c’est là que j’ai changé les choses du jour au lendemain. Il n’y a pas de secret, une perte de poids passe par une certaine restriction, même si certaines méthodes comme la Méthode Chocolat précédemment expliquée permettent de limiter l’impact de cette restriction. Malgré tout, un apprentissage est nécessaire avant de parvenir à maigrir sans restriction (par écoute de son corps). Et puis c’est bien joli tout ça, mais quand votre corps est complètement déréglé et donc non fiable, si vous l’écoutez, vous risquez de faire pis que mieux. Donc une perte de poids dans ce contexte implique forcément une restriction, réelle (comme dans mon cas, même si je peinais à le reconnaître sur le coup), ou vécue (si vous mangez « normalement » mais que votre corps vous donne des signaux falsifiés par des années de mauvaises habitudes). Chez moi, cela a construit une frustration que je ne percevais pas au départ. Mon corps prenait finalement sur lui, mais à un moment il en a eu marre. Stop. Basta. Je veux du chocolat et j’en veux des kilos. Et c’est là que l’enfer s’est déchaîné, et que ma boulimie est devenue une chose du quotidien. Non plus un évènement des temps de stress mais un combat perpétuel, chaque jour.

Jusque maintenant, tout cela est assez théorique : Vous vous dites certainement « ah mais oui elle est boulimique, mais à quel point ? Que mange-t-elle à ce moment ? Comment est-ce que ça se passe ? ». Je vais donc vous relater les faits, purs et durs. J’ai commencé à écrire un journal en avril-mai, et certaines des crises y sont consignées (une infime partie, mais bon, cela peut donner une idée). Je vais donc reprendre les aliments mangés au cours de ces quelques crises, à savoir que cela se fait d’une traite jusqu’au mal-être physique le plus complet).

21 avril 2013 :

  • Sept tranches de pain brioché.
  • Deux brioches Pitch de Pasquier.
  • Cinq tranches de pain.
  • 100g de chocolat au lait.
  • Un bol de céréales avec du lait.
  • Cinq tranches de jambon cru.

10 mai 2013 :

  • Deux boîtes entières de céréales All-Bran avec du lait.
  • 300g de chocolat Milka caramel-noisettes.
  • Quatre muffins aux pépites de chocolat.
  • Un gros paquet de chips au sel.
  • Un paquet de biscuits en forme de vache de Milka.
  • Un paquet de biscuits Petit Ecolier de Lu.
  • Trois brownies au chocolat.
  • Une boîte de thon à l’huile avec l’huile.
  • Huit petites compotes emballées pour enfant.
  • Quatre yaourts blindés de sucre.
  • Un paquet avec 5 tranches de jambon cuit.
  • Quatre pains pita gris.

02 juin 2013 :

  • 250g de popcorn sucré.
  • Deux boîtes entières de cakes Milka (donc 10 cakes je pense).
  • Des biscuits d’apéritif.
  • Un tube de Pringles au sel.
  • Six muffins aux pépites de chocolat.
  • Un paquet entier de cookies Pepperidge Farm aux pépites de chocolat.
  • Un fromage entier Caprice des Dieux.
  • Dix briochettes Pasquier bourrées de caramel tartinable Galler.
  • Un petit pot de Nutella en entier.
  • 300g de chocolat Milka caramel-noisettes.
  • Deux barres de chocolat blanc praliné Galler.
  • 400g de chocolat blanc au riz soufflé.

31 août 2013 :

  • Deux tranches de pain Bioform aux fibres.
  • Quatre biscottes Parovita au sésame.
  • Un paquet entier de cookies aux pépites de chocolat de Carrefour (12 cookies).
  • Une boîte de thon à l’huile avec l’huile.
  • Quatre biscuits Grany moelleux chocolat.
  • Deux prunes.
  • 200g de fromage Salakis léger.
  • 70g de cubes de poulet.

25 septembre 2013 :

  • Un gros paquet de chips entier aux pickles.
  • Une grosse crêpe au Nutella de Désiré de Lille.
  • Deux doughnuts à la framboise.
  • Une focaccia entière au beurre et à l’ail.
  • 300g de chocolat Milka caramel-noisettes.
  • Un camembert entier.
  • Une boîte entière de petits cakes Milka (donc 5 cakes je pense).
  • Des nouilles avec de la tomate et de l’huile d’olive (une petite casserole).
  • Une part de brioche pâtissière.
  • Un muffin aux pépites de chocolat.
  • 500g de fromage blanc à 0% blindé de sucre.
  • Un gruau d’avoine blindé de sucre.
  • Trois compotes de pomme pour enfants.
  • 150g de fromage Salakis léger.
  • Deux grands chaussons aux pommes de la boulangerie.

Voilà pour quelques petits (ô douce ironie) exemples de crises alimentaires. Certains sont réellement abominables (je dois avouer par exemple que la dernière crise de cette liste était du grand art…) et d’autres plus raisonnables. Mais en somme, cela reste des crises alimentaires et cela n’en retire pas le moindre gramme de souffrance.

J’avais toujours lu qu’on avait ce genre de comportement boulimique pour taire des émotions. Certes. Mais j’ai appris dans mon cas qu’en fait, cela était pour me combler, pour remplir le vide qui m’occupe afin d’enfin ressentir quelque chose (cela fait partie du trouble Borderline in fine). Cela m’a permis de comprendre pourquoi, quand j’essayais de savoir ce que je ressentais pendant une crise, pourquoi elle était là, la réponse était bien souvent le néant absolu. Car lors d’une crise, on se sent hors de tout contrôle. On va dans les placards en mode autopilote. La nourriture rentre, on n’en profite pas vraiment, et la partie en nous qui sait que cela n’est pas bon pour nous et que ce n’est pas notre volonté est tout simplement étouffée, anéantie. Et quand cette orgie alimentaire est finie, quand de nouveau la conscience est là, c’est l’abîme. On se déteste, on n’a qu’une envie c’est de mourir, on se sent sans emprise, victime, on échafaude des plans de compensation interminables (ou pour ceux qui le font, on se fait vomir) ; la tornade de choses qui nous envahit alors n’est que haine haine haine. Et comme on se déteste, on recommence tout bonnement quelques temps (variable) après, et ce d’autant plus fort et mieux qu’on a compensé entretemps en ne mangeant pas, en faisant du sport à l’excès et je ne sais quelle autre stratégie macabre. La roue tourne sur elle-même et les erreurs se répètent. La vie est noire et cela influe tout le reste. Vous n’êtes plus, tout simplement. Eventuellement vous faites des tentatives pour que les choses aillent mieux ; vous ne stockez plus les aliments dangereux à la maison par exemple. Et patatra, voilà que vous commencez à faire des crises avec des aliments habituellement anodins. Tout est à recommencer. Alors vous décidez de vous faire confiance avec des aliments « crisogènes » et là encore, c’est la défaite. Vous ne savez plus comment vous comporter et le pire dans tout ça c’est que tout se fait dans le secret, dans le mensonge. Vous vous isolez dans celui-ci, il vous consume et le plus ça va, le pire c’est.

Tout boulimique connaît ces sentiments avec des variantes propres à chacun. Je n’ai fait qu’un inventaire expéditif des choses et peut-être aurais-je un jour le courage, le temps et la tournure pour aller plus loin dans mes explications.

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